« Un tax shift seul ne suffira pas à accélérer l’électrification »

25.10.2024

Les entreprises alimentaires belges s’inscrivent totalement dans la transition environnementale, mais rencontrent un certain nombre d'obstacles. Par exemple, actuellement, le gaz naturel est moins cher que l'électricité, ce qui entrave cette transition. Un tax shift, rendant l’électricité moins chère et les combustibles fossiles plus coûteux, apparaît donc comme une évolution logique. « Toutefois, actuellement l'électrification n'est pas réalisable pour toutes les entreprises alimentaires, en raison des limites de la technologie et de l'infrastructure », explique Tom Quintelier, Environmental Affairs & Energy Advisor.

 

« Un tax shift de l’électricité vers le gaz naturel ? Oui, à condition qu’il existe des solutions alternatives pour cuire et chauffer. »

La voie vers davantage d’électrification est tracée

En Belgique, les prix de l’électricité sont actuellement élevés, tandis que les prix du gaz naturel sont relativement compétitifs par rapport aux pays voisins. Une bonne chose pour les entreprises alimentaires, grandes consommatrices de gaz ? Non, c’est un peu réducteur. Tout le monde sait que l’Europe doit atteindre la neutralité climatique d'ici 2050 et dans ce contexte, le gaz naturel n’a plus sa place. À court terme, le prix peu élevé du gaz naturel est donc une bonne chose, mais ce n'est pas une solution à long terme.

De plus en plus de voix s'élèvent en faveur d’une baisse du prix de l'électricité et d’une augmentation des taxes sur les combustibles fossiles, comme le gaz naturel. Le nouveau système européen d'échange de quotas d'émission (ETS 2), qui introduit une taxe sur le CO2 pour les combustibles fossiles à partir de 2027, marquera également un tournant. Le prix du gaz naturel deviendra progressivement moins avantageux que celui de l'électricité. À terme, l'écart entre les prix de l'électricité et du gaz naturel devrait se réduire.

Différentes études montrent montrent également que l'électrification est le meilleur moyen pour réaliser la transition vers un secteur alimentaire neutre en carbone. Bien que la demande de chaleur soulève des défis, les températures relativement basses dans notre secteur (par rapport à la production d'acier ou de verre, par exemple) peuvent être générées électriquement, par exemple, en utilisant des boilers électriques ou des pompes à chaleur.

Pourquoi le prix actuel de l'électricité pose-t-il problème ?

Actuellement, l'industrie alimentaire utilise environ 60 % de gaz naturel et 40 % d'électricité. Si les entreprises alimentaires souhaitent utiliser moins de gaz naturel et plus d'électricité, elles se heurtent non seulement à des obstacles techniques, mais en premier lieu à des obstacles économiques. Aujourd’hui, il n'est souvent pas rentable de remplacer une chaudière au gaz naturel par un boiler électrique, par exemple, du fait de la grande différence de prix entre le gaz naturel et l'électricité.  

Pour les entreprises, il pourrait être intéressant d'expérimenter des installations électriques, par exemple, des petits boilers électriques, mais pour l'instant, l'électricité est beaucoup trop chère. Un tax shift rendrait les investissements dans des solutions électriques plus rentables et ouvrirait dès lors la voie à un avenir neutre en carbone. Ça semble facile, n'est-ce pas ? Alors pourquoi Fevia n’est-elle pas totalement enthousiaste ?

Un tax shift pourrait effectivement être une bonne solution pour certaines entreprises, en particulier pour celles qui repoussent actuellement les défis de l'électrification en raison de la différence de prix entre le gaz naturel et l'électricité. Mais pour d'autres entreprises, un tax shift serait en réalité désastreux parce qu'elles ne sont tout simplement pas en mesure de passer à l’électrification Non pas parce qu'elles ne le souhaitent pas, mais parce qu'elles ne disposent pas de la technologie ou de l'infrastructure nécessaire.

Les défis cachés de l’électrification

Le réseau électrique belge n'est aujourd’hui pas prêt à faire face à une augmentation à grande échelle de la demande. Le gestionnaire Elia étendra le réseau à partir de 2025, ce qui entraînera des coûts importants que les entreprises devront prendre en charge elles-mêmes. Les tarifs de réseau augmenteront en moyenne de 77 % au cours des prochaines années.

De plus, d’autres coûts vont encore s’y ajouter. Il suffit de regarder l’estimation des coûts de construction de l’ilôt énergétique, qui ont déjà été multipliés plusieurs fois. Et qui devra payer la facture ? Les consommateurs. Mon message est donc celui-ci :  si nous voulons que la transition énergétique réussisse, le coût total de l'électricité, y compris le tax shift, doit en tout temps rester attractif. 

Un obstacle supplémentaire est le fait que le réseau ne peut pas être renforcé partout à la fois. Par conséquent, certaines entreprises n'ont pas accès à suffisamment d'électricité et sont contraintes de continuer à utiliser le gaz naturel. C’est très concret : le report de Ventilus par exemple signifie que pour de nombreuses entreprises alimentaires de Flandre occidentale, l'électrification n'est actuellement pas une option.

Enfin, la technologie d'électrification, comme les pompes à chaleur à haute température, n'est pas encore suffisamment développée. Les entreprises ne peuvent pas investir dans cette technologie tant qu'elle n'est pas prête pour le marché.  

Que font déjà les entreprises alimentaires ?

Le secteur alimentaire ne reste toutefois pas inactif. Dans le cadre du projet ‘Rethink Energy 4 Food’, Fevia collabore avec Flanders' FOOD et d'autres partenaires pour trouver des solutions aux problèmes actuels.  Des recherches sont menées sur le développement de pompes à chaleur et sur l'impact de fours électriques sur la qualité des produits. Dans quatre ans, nous espérons apporter des réponses concrètes à de nombreuses questions qui se posent encore aujourd'hui.

En Wallonie aussi, les entreprises alimentaires travaillent à la transition énergétique par le biais de la Convention Carbone. Pas moins d'une entreprise participante sur trois est issue de l'industrie alimentaire, ce qui fait de notre secteur le mieux représenté. 

L’une des obligations dans le cadre de la Convention Carbone est l’élaboration d'une vision de neutralité carbone à l’horizon 2050. Les entreprises participantes vont devoir étudier comment atteindre cette neutralité en CO2 d'ici 2050. À cet égard, les objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040 sont importants.

Les entreprises se penchent sur les technologies et les mesures déjà en place, mais aussi sur le potentiel de technologies non encore matures, telles que les pompes à chaleur à haute température ou la disponibilité d'électricité exempte de CO2 en quantité suffisante. Il s’agit là de conditions préalables essentielles avant d’envisager des investissements. 

Le tax shift, oui, mais à 3 conditions...

Fevia est favorable à un tax shift, mais uniquement pour les entreprises qui ont accès à suffisamment d’électricité sans CO2 à un prix compétitif et qui disposent d'une technologie mature. Les entreprises qui ne remplissent pas ces conditions devraient bénéficier d'un soutien financier, par exemple, sous la forme de subventions ou d'exonérations. Une fois que ces deux conditions sont remplies, ce soutien peut prendre fin. Dans ce cas, nous disons ‘oui’ au tax shift sans aucune réserve !

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