L’explosion des coûts de production ont entrainé une inflation record en Belgique. Les consommateurs belges cherchent donc des alternatives afin de soulager leur porte-monnaie. Et, dans un pays où la moitié des habitants habite à moins de 50 kilomètres de la frontière, il est tentant d’aller remplir son caddy dans les supermarchés de l’autre côté, là où les prix sont plus bas. Et, entre juillet et septembre 2022, les Belges ne s’en sont pas privés. Serons-nous bientôt tous des acheteurs transfrontaliers, sauf pour les fruits et légumes comme le suggère le Premier Ministre sur RTL-TVI ? Les propositions de son gouvernement poussent en tous cas en ce sens !
Les Belges ont été massivement acheter de l’autre côté de la frontière
Au troisième trimestre 2022, les Belges ont acheté pour 145 millions de nourriture et de boissons dans les supermarchés de l’autre côté de la frontière. Les achats transfrontaliers sont ainsi revenus à leur niveau d’avant-covid (+1,1% par rapport au 3ième trimestre 2019). En particulier, la France se taille la plus belle part du gâteau avec 89 millions d’euros, soit 62% des achats transfrontaliers réalisés ce trimestre-là. Il s’agit là d’un record absolu : jamais les Belges n’avaient acheté autant de l’autre côté de la frontière française. Le précédent record avait été établi au 3ième trimestre 2020 lorsque, après des semaines de « lockdown » et de fermetures de frontières, celles-ci avaient été ré-ouvertes.
L’ensemble des catégories alimentaires ont connu une hausse spectaculaire des achats transfrontaliers français au 3ième trimestre par rapport au précédent de cette année. Voici le trio de produits les plus plébiscités chez nos voisins :
Le soutien des pouvoirs publics français a réduit la hausse des prix en France
Notre pression fiscale plus élevée, qui s'ajoute aux coûts salariaux et énergétiques déjà plus élevés, se traduit par des prix plus élevés sur une large gamme de produits alimentaires et de boissons. A titre d’exemple, pour un litre de limonade dont le prix hors taxes est de 1€, le supplément de prix dû aux taxes indirectes (TVA, accises, cotisation emballage) sera de 31 centimes chez nous et de 14 centimes en France. Le prix après taxes sera donc de 15% plus élevé en Belgique. Cela fait longtemps que nous signalons cette situation de concurrence déloyale aux politiques.
De plus, l’inflation chez nos voisins français a été nettement moins élevée ses derniers mois, notamment grâce à l’intervention des pouvoirs publics. En effet, le Gouvernement français a accordé, dès juillet, des subsides aux entreprises intensives en énergie, parmi lesquelles de nombreuses entreprises alimentaires. Ceci a permis de compenser quelque peu l’augmentation des coûts de production, ce qui s’est traduit par une hausse plus faible des prix aux consommateurs. En Belgique, il a fallu attendre de nombreux mois pour que les régions décident d’octroyer des aides directes aux entreprises. Non seulement, elles sont arrivées plus tard mais elles sont moins importantes et les conditions d’octroi plus restrictives. Partant d’un niveau déjà plus bas, cela n’a fait qu’accentuer la différence de prix. Enfin, nos concurrents français ne connaissent pas l’indexation automatique des salaires.
Comparaison de l’inflation au cours du 3ième trimestre 2022 en Belgique et en France sur une sélection de produits
A noter que le Gouvernement français est intervenu directement sur le prix de l’essence et du diesel (18 ct/litre du 1er avril au 31 août et 30 ct/litre du 1er septembre au 15 novembre), ce qui a rendu les courses alimentaires chez nos voisins encore plus intéressantes puisque combinées avec un plein de carburant moins cher.
Ne nous tirez pas une balle dans le pied
Dans le cadre des négociations budgétaires 2023-2024, le gouvernement a exprimé le souhait que la cotisation sur les emballages rapporte 60 millions d’euros de plus sur base annuelle. Soit une augmentation de recettes de 17% sur cette taxe (350 millions d’euros aujourd’hui). A cela s’ajoute l‘obligation pour les entreprises de contribuer aux coûts des déchets sauvages à partir de 2023. Les trois régions réclament dans ce cadre 189 millions d’euros par an.
Au lieu de réduire l’incitant financier à traverser la frontière pour aller faire ses courses, les propositions des gouvernements de notre pays risquent donc de le renforcer en poussant les prix alimentaires à la hausse. Or, ceci n’est bon pour personne ! Ni pour consommateur belge dont le pouvoir d’achat sera encore réduit, ni pour nos entreprises dont les activités économiques et la création d’emplois seront mises sous pression, ni pour l’état belge qui verra des recettes publiques fuir chez nos voisins. En effet, en trois mois seulement, le manque à gagner fiscal peut être estimé entre 15 et 20 millions d’euros pour l’Etat belge uniquement en recettes fiscales indirectes (TVA, accises et cotisation emballages).
Fevia demande dès lors au Gouvernement de revoir sa copie budgétaire et de ne pas introduire de nouvelles taxes sur les aliments et les boissons ou augmenter les taxes existantes.