Un mois après le Brexit : le « real deal » devient progressivement clair

04.02.2021

Au dernier moment, un accord entre le Royaume-Uni et l'Europe a été conclu le jour de Noël. Il devient progressivement clair que le Brexit est difficile à avaler. Qu'est-ce qui préoccupe nos entreprises alimentaires, comment ressent-elles l'impact et de quel soutien ont-elles besoin ? Nous faisons le point sur la situation et vous énumérons les 4 pièges à éviter à long terme.

Le calme avant la tempête

Les premières semaines de janvier ont été remarquablement calmes à Zeebrugge et à Calais. Les entreprises alimentaires ont pris leurs précautions en planifiant autant que possible leurs livraisons avant le Nouvel An. De cette manière, elles ont évité d'être confrontées à d'éventuels tarifs.

« Pour l'instant, nous ne voyons donc pas le chaos redouté aux postes frontières, mais la situation actuelle de la circulation des marchandises n'est pas encore représentative. Nous devons attendre de voir comment la traversée se fera dans quelques semaines, lorsque les volumes augmenteront », déclare Tine Vandervelden, International Business Manager chez Fevia. « Et particulièrement lorsque des contrôles sanitaires s'ajouteront aux déclarations douanières pour certains produits alimentaires à partir du mois d'avril, il y a un risque de goulots d’étranglement », prédit-elle.

Tine Vandervelden, International Business Manager Fevia

Retards, baisse des ventes et augmentation des coûts

Pourtant, le Brexit cause manifestement beaucoup de problèmes. D'après une enquête réalisée auprès des membres de Fevia, plus de la moitié des personnes interrogées ont indiqué rencontrer actuellement des problèmes dans les domaines du transport, de la logistique et des douanes. Leurs livraisons sont retardées par les contrôles douaniers, par un manque de capacité de transport et par des documents non conformes. Ce dernier problème se situe principalement du côté du Royaume-Uni. Dans plus de la moitié des cas, les retards sont supérieurs à un jour.

30 % des personnes interrogées déclarent que leurs exportations vers le Royaume-Uni ont chuté à l'approche du Brexit. 35 % s'attendent à une nouvelle légère baisse en 2021 et 10 % s’attendent même à une forte baisse. Heureusement, cela a eu peu d'impact sur l'emploi pour le moment. Néanmoins, les entreprises ont dû investir dans la reconversion ou la formation de leur personnel, en particulier en ce qui concerne les aspects douaniers. Les coûts de tous ces ajustements sont également en nette augmentation. 40 % des interrogés ont précisé qu'ils avaient déjà dû dépenser plus de 10 000 euros.

Les 4 pièges de l’accord

1. Les règles d'origine entraînent parfois des tarifs douaniers

Lors du webinaire Brexit de Fevia organisé juste après le Nouvel An, il est clairement apparu que nos membres ont de nombreuses questions sur l’aspect « origine ». L'accord prévoit que les marchandises puissent franchir la frontière sans tarifs douaniers, mais cela est soumis à deux conditions : votre produit doit être conforme aux règles d'origine de l'accord et vous devez également être en mesure de prouver cette origine. Par exemple, les entreprises alimentaires doivent vérifier que leurs produits ne contiennent pas trop d'ingrédients « étrangers » en utilisant l'outil Access2Markets, et ensuite être en mesure de le prouver via des déclarations des fournisseurs nécessaires.

« En raison des différentes règles de l'accord, il s'agit d'un exercice à réaliser individuellement pour chaque catégorie de produits, et souvent pas si évident, explique Daan De Vlieger, Director Global Trade Advisor chez Deloitte et partenaire de Fevia dans le dossier Brexit. Dans certains cas, il est même nécessaire d'adapter la stratégie d'achat et/ou le processus de production afin de pouvoir bénéficier du traitement tarifaire préférentiel avec le Royaume-Uni du côté des ventes.

Daan De Vlieger, Director Global Trade Advisor van Deloitte en een partner van Fevia in het Brexit dossier

En outre, les entreprises alimentaires doivent s'assurer qu'elles sont enregistrées pour utiliser le système d'auto certification Registered Exporter (REX), et qu'elles peuvent ajouter les déclarations nécessaires sur les documents commerciaux.

Même lorsque les règles de fond et de forme susmentionnées par rapport à l'application du mécanisme d'origine préférentielle sont respectées, une chaîne d'approvisionnement exemptée de tarifs n'est pas garantie. Faisons donc le point sur les exportations vers l'Irlande. La plupart des livraisons à destination de l'Irlande passent par une escale au Royaume-Uni. Les entreprises alimentaires belges livrent à un entrepôt britannique et de là, les produits sont distribués dans tout le Royaume-Uni, y compris en Irlande (du Nord). Ces marchandises sont soumises à des droits de douane à l'entrée en Irlande sans l'application de mesures douanières particulières au Royaume-Uni. Même s'il s'agit de marchandises d'origine européenne livrées dans un État membre européen.

« Vous pouvez considérer le certificat « Origine préférentielle de l'UE » comme un bon. Une fois que vous entrez au Royaume-Uni exempté de tarifs, votre bon est épuisé. Si les marchandises circulent ensuite vers un autre pays européen, vous serez à nouveau confronté aux formalités et aux droits d'importation. Vous ne pouvez les éviter qu'en appliquant d'autres mécanismes douaniers au Royaume-Uni et/ou lors de votre retour dans l'UE. Le message est donc de faire attention à de tels flux », explique Daan.

Découvrez ici comment respecter les règles d'origine spécifiques et comment prouver l'origine préférentielle 

2. Déclarations douanières : apprendre en pratiquant

Pour de nombreuses entreprises alimentaires, les déclarations douanières sont une nouvelle réalité depuis que le Royaume-Uni a quitté l'union douanière. « Les formalités douanières comportent deux volets. Il y a des déclarations d'exportation et d'importation d’une part. D’autre part, en fonction des accords conclus entre les parties, l'acheteur doit éventuellement s'occuper des déclarations. Ce n'est pas une tâche facile si vous ne la maîtrisez pas », précise Daan. « En tant qu'entreprise, vous pouvez investir en interne dans les connaissances douanières, l'infrastructure informatique et la capacité administrative nécessaire, ou vous pouvez externaliser tous ces éléments. Cela ne signifie pas que vous êtes déchargé de toutes vos obligations et responsabilités, bien au contraire ». Plus de 30 % des entreprises alimentaires ont indiqué dans l'enquête qu'elles avaient engagé un prestataire de services externe, dont près de 60 % est un agent en douane.

Vous souhaitez rafraîchir vos connaissances sur les aspects douaniers et sanitaires ? Nous vous guidons grâce à notre formation Brexit en ligne pour l'industrie alimentaire.

3. La sécurité alimentaire au premier plan

Les contrôles de sécurité alimentaire au Royaume-Uni seront introduits en trois phases à partir de janvier. Nos entreprises alimentaires membres signalent que la procédure de délivrance des certificats devrait être assouplie, en particulier pour les transports qui circulent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

« "L'AFSCA nous informe qu'une bonne communication en temps utile des informations nécessaires entre les entreprises et l'Unité de Contrôle Locale de l'AFSCA est extrêmement importante pour assurer le bon déroulement des choses. Dans le même temps, l'AFSCA a pris les précautions nécessaires en recrutant et en formant du personnel supplémentaire. Ces derniers sont prêts à être déployés si nécessaire. Mais, beaucoup dépend des exigences fixées par le Royaume-Uni en matière de certification et de contrôles. Nous devons encore patienter à cet effet », conclut notre Food Policy Advisor, Imke Van den Broeck.

Imke Van den Broeck, Food Policy Advisor Fevia

Le Brexit reste un « travail en cours »

Avec un accord de libre-échange classique, les marchés se convergent de plus en plus. Ici, nous somment dans la situation inverse : l'accord permet au Royaume-Uni de développer ses propres réglementations qui s'écartent de plus en plus de nos normes européennes en termes de produits, d'environnement et de santé. L'accord sera également révisé régulièrement. Lorsque l'une des deux parties se sent lésée, elle peut toujours introduire des barrières tarifaires et non tarifaires. Les deux parties peuvent également prendre des mesures anti-dumping, anti-subventionnelles et de sauvegarde, par exemple lorsque l'autre partie pratique le dumping ou subventionne ses exportations. Nous devrons donc continuer à ajuster nos échanges avec le Royaume-Uni dans les années à venir. Fevia continue de soutenir ses membres dans le domaine du commerce international, en collaboration avec les agences régionales à l'exportation. Des missions commerciales au Royaume-Uni et dans la région du Golfe sont prévues.

Découvrez le programme d'exportation que nous vous réservons pour 2021