« Tous les consommateurs ne considèrent pas l’alimentation durable de la même manière »

09.12.2021

Avec la nouvelle roadmap de développement durable de l’industrie alimentaire, notre secteur apporte des réponses à la question « Que mangerons-nous demain ? ». Pour préparer cette roadmap, Fevia a demandé à Why5 Research d’étudier la façon dont les consommateurs belges considèrent l’alimentation durable et ce qu’ils attendent des entreprises alimentaires. Nous nous sommes entretenus avec Veerle Hellemans, quantitative research director chez Why5, qui a dirigé l’étude. 

Veerle, pour aller droit au but : quelle a été la principale conclusion de l’étude ?

« Nous sommes arrivés à quatre grandes conclusions. La conclusion principale est que tous les consommateurs ne voient pas le développement durable de la même manière. Nous avons trouvé deux dimensions intéressantes sur lesquelles les gens diffèrent. D’une part, le degré de reconnaissance du développement durable comme un défi en soi, et d’autre part, la conviction qu’ils peuvent y faire quelque chose. Cela nous a conduit à 3 types ou groupes de consommateurs. »

Qui sont ces 3 types de consommateurs ?

« Le plus grand groupe, près de 40 %, est constitué de consommateurs sensibles au développement durable. Cela ne signifie pas qu’il s’agit de personnes totalement engagées, mais elles font certaines considérations en matière de durabilité. 

Alors pourquoi ne sont-elles pas pleinement engagées ? 

« Lorsque ces personnes font des choix au magasin, elles continuent de donner la priorité à la qualité, au prix et à la santé. Mais si l’on compare ce groupe aux deux autres, on constate que le choix de la durabilité est bien plus présent.

Le deuxième groupe, 22 %, comprend des consommateurs qui ne voient pas vraiment l’urgence de la durabilité et agissent donc de manière plus indifférente à son égard. Entre les deux, 38 % des consommateurs croient en la durabilité, mais estiment qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose eux-mêmes. Ils ont donc tendance à être sceptiques quant aux initiatives des producteurs ou des marques. » 

Constates-tu également une évolution du comportement des consommateurs ?

« Comme nous étions en pleine crise du coronavirus, nous avons également considéré son impact sur leurs choix. Et nous avons constaté une évolution : les gens achètent davantage de produits naturels et locaux, optent pour des régimes alimentaires plus équilibrés et accordent une grande attention au zero-waste et aux emballages. Nous avions déjà observé ces tendances sous-jacentes, mais elles ont été accélérées par la crise du coronavirus. Néanmoins, le climat reste la raison principale. Éviter le gaspillage alimentaire est une tendance croissante à laquelle les consommateurs sont de plus en plus disposés à prêter attention. » 

Constates-tu également des différences entre les néerlandophones et les francophones ?

« Les francophones ont davantage adapté leur comportement d’achat que les néerlandophones. Et c’est quelque chose que nous constatons également dans d’autres études similaires. Nous constatons que dans le sud de la Belgique, il y a une plus grande sensibilité aux questions écologiques et biologiques. L’hypothèse est qu’en France, ils sont plus à l’avant-garde de leurs choix durables ou plus ouverts aux allégations de durabilité, et que la culture française a tendance à se répandre davantage en Wallonie. » 

On dit que les consommateurs ne regardent que le prix ?

« Eh bien, ce que j’ai trouvé très frappant, c’est que les consommateurs qui sont prêts à payer plus cher pour une alimentation durable font une forte connotation entre le prix et la qualité. Ils sont prêts à payer plus cher pour des aliments savoureux et sains, et ils associent également ces caractéristiques à la durabilité. J’ai trouvé intéressant que les gens ne fassent pas leurs choix uniquement pour la planète. Cela va au-delà de la durabilité. »

L’industrie alimentaire veut se concentrer sur l’innovation afin de devenir plus durable, mais comment le consommateur perçoit-il cela ?

« Si nous demandons aux consommateurs de choisir entre une alimentation durable produite de manière traditionnelle ou industrielle, ils opteront pour une alimentation aussi traditionnelle et authentique que possible. L’image nostalgique de l’alimentation traditionnelle contre l’alimentation industrielle est encore très présente. 

Si les consommateurs reçoivent quand même davantage d’informations sur la manière dont les aliments industriels peuvent être rendus plus durables, ce qui est souvent le cas en termes de CO2, d’énergie, de matériaux d’emballage, etc., cela reste trop éloigné de leur vision de la durabilité. »

Qu’attend donc le consommateur de l’industrie alimentaire ?

« La sécurité alimentaire reste primordiale, c’est évident. Mais nous constatons une nouvelle vague d’attentes où les consommateurs comprennent que cela va plus loin que le bio ou une diminution du plastique, et sont désormais ouverts à la complexité du développement durable. Ainsi, nous constatons une attention croissante portée à la réduction des pertes alimentaires et au bien-être des animaux.

Ce qui est formidable dans cette étude, c’est qu’elle ne s’arrête pas aux idées et aux recommandations, mais que ces dernières sont immédiatement liées à un plan d’action concret. Et cela rend les choses plus tangibles pour le consommateur. En même temps, c’est aussi une réussite pour nous en tant qu’agence de recherche. »

Dans quelle mesure ces informations sont-elles réellement crédibles et représentatives ?

« C’est un vaste projet de recherche que nous avons commencé par une étude qualitative dans laquelle nous avons eu des discussions longues et approfondies avec des profils de consommateurs très différents dans des groupes de discussion. Cette démarche visait à comprendre comment ils considèrent l’alimentation et le développement durable. Nous avons ensuite traduit ces résultats en une vaste étude quantitative dans laquelle nous avons interrogé plus de 1 200 Belges âgés de 18 à 65 ans. Cette large base est nécessaire pour que l’enquête soit suffisamment représentative pour faire des déclarations que nous pouvons ensuite transposer à la population. »

Qu’est-ce qui t’a surprise toi-même dans cette étude ? 

« Que la crédibilité des allégations de durabilité dépend de la mesure dans laquelle les consommateurs ont le sentiment de pouvoir les « vérifier » eux-mêmes. Les allégations concernant la réduction des émissions de CO2 au cours du processus de production sont beaucoup moins tangibles que, par exemple, « moins d’emballages. »

Dans quelle mesure cette recherche s’inscrit-elle dans la lignée d’études antérieures ou apporte-t-elle de nouvelles perspectives ? 

« Cette étude confirme la tendance selon laquelle de plus en plus de consommateurs souhaitent faire des choix durables. Mais le développement durable est un concept très large. Cette recherche a porté très spécifiquement sur la manière dont les consommateurs comprennent et traduisent la durabilité dans le contexte de l’alimentation. C’est ce qui fait toute la valeur de cette recherche. »

Quel est, selon toi, le plus grand défi pour le secteur ?

« Les entreprises alimentaires doivent être en mesure de démontrer que, grâce à l’innovation, elles peuvent également avoir un impact positif sur la durabilité de leurs produits alimentaires. » 

Quels conseils aimerais-tu donner aux entreprises alimentaires qui se mettent au travail avec la roadmap de développement durable ?

« Tout d’abord, gardez à l’esprit que tous les consommateurs ne voient pas la durabilité de la même manière, adaptez donc vos messages en conséquence. Pour les consommateurs qui se méfient d’une allégation générale de durabilité, par exemple, il est préférable de la rendre aussi concrète que possible en utilisant des exemples de ce que vous faites pour rendre votre produit plus durable.  Deuxièmement, les consommateurs veulent des aliments plus durables, mais ils doivent aussi pouvoir faire l’expérience de cette durabilité au niveau du produit, par sa qualité ou son emballage, par exemple. Enfin, les consommateurs doivent comprendre ce que vous affirmez, plutôt que de les inonder de chiffres ou d’en faire une histoire scientifique. » 

Pour en savoir plus sur les résultats, consultez le communiqué de presse « Le consommateur belge de plus en plus sensible à l’alimentation durable »

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