Le sens et le non-sens des aliments transformés

26.06.2024

L’alimentation ne remplit pas seulement nos assiettes, les médias en font également tout un plat. Les aliments (ultra)transformés sont souvent associés à l'étiquette « malsain ». Mais est-ce que nous menons un débat qui aide le consommateur à faire des choix plus sains ? Après les après-midis de dialogue sur les aliments transformés, une chose est claire : la nuance nécessaire fait défaut. Il est grand temps de faire taire la polarisation et de donner la parole aux experts.

La terminologie « aliments ultratransformés » apparaît partout, souvent pour donner une image négative de la transformation industrielle des aliments. Fevia a organisé deux après-midis de dialogue sur ce thème, où la distinction a été faite entre science et émotion. Nous avons donné la parole à des experts en alimentation, des organisations de la société civile et des pouvoirs publics, et qu'avons-nous constaté ? Le discours est complexe et nécessite des nuances. Mais avec une approche globale et positive, il est possible de combattre ensemble le surpoids et l'obésité avec tous les acteurs impliqués.

1.   La transformation des aliments est bénéfique

La découpe, le broyage, le chauffage, la fermentation, etc., sont toutes des formes de transformations alimentaires. La transformation des aliments (crus) est essentielle pour garantir que la nourriture soit sûre, comestible et savoureuse. Quelque chose que personne ne remet en question, mais qui est encore trop souvent oublié.

« Le grain doit être transformé pour pouvoir être consommé. La transformation rend les nutriments du grain disponibles à la consommation. » – Jan de Vries, Whole Grain Initiative

2. Il n'y a pas de définition claire du terme « ultratransformé » 

Quand peut-on qualifier un produit d'ultratransformé ? De nombreux experts se basent sur le système de classification NOVA, qui répartit les produits selon leur degré de transformation. Le système NOVA utilise 4 catégories, allant des aliments non transformés ou peu transformés dans le groupe 1 aux « aliments ultratransformés », ou « ultra-processed food », dans le groupe 4. La classification NOVA ne tient pas compte de la qualité nutritionnelle des aliments. Il existe également d'autres classifications, qui présentent également des avantages et des inconvénients. 

« Ajoutez un bouillon à la soupe de légumes que vous préparez chez vous et boum, votre soupe est ultratransformée. » - Nicolas Guggenbühl, Haute École Leonard de Vinci

Le système NOVA est reconnu par la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) et est utilisé par plusieurs groupes de recherche. Cependant, la définition des produits dits « ultratransformés » reste floue. Selon les recherches, même les spécialistes en alimentation et les technologues alimentaires ont du mal à classer correctement les produits dans les catégories NOVA. 

De plus, dans la quatrième catégorie des aliments « ultratransformés », on retrouve un ensemble diversifié de produits de qualité nutritionnelle variée, allant du pain complet emballé et de la margarine aux biscuits, bonbons et garnitures. Cette quatrième catégorie est tellement hétérogène que son effet sur la santé l'est tout autant.

« Il n'existe pas encore de consensus sur le niveau de transformation. Quel est alors l'intérêt de la classification ? La science n'en est pas encore là. Il faut bien pouvoir travailler avec quelque chose. Le système est basé sur des propositions. »  - Christophe Matthys, KULeuven

Vous souhaitez en savoir plus sur les additifs ? Lisez l'interview du professeur Andreja Rajkovic de l'UGent

3. La valeur nutritionnelle dépasse le degré de transformation

L'accent est-il mis à l’excès sur le degré de transformation ? Il n'existe pas de preuve scientifique établissant un lien de causalité entre le degré de transformation des aliments et son impact négatif sur la santé. Les études sur les aliments dits « ultratransformés » ne trouvent que des associations. 

Au bout du compte, c'est surtout la qualité nutritionnelle d'un produit qui importe, pas son degré de transformation. Le consommateur devrait privilégier les produits à base de céréales complètes, les légumes et les fruits, les noix et les graines, ainsi que les légumineuses. En suivant les priorités nutritionnelles du Conseil Supérieur de la Santé, les bénéfices santé les plus importants sont à portée de main. L'industrie alimentaire va donc travailler avec ces recommandations pour continuer à améliorer la composition de ses produits.

« Nous devons d'abord nous concentrer sur la valeur nutritionnelle des produits, et non sur leur degré de transformation. » – Yvan Larondelle, UCLouvain

4. Il n'y a pas de lien entre les additifs et les aliments ultratransformés

Peu de consommateurs semblent savoir ce que sont les additifs, également appelés numéros E, et à quoi ils servent. Il s’agit grosso modo de composants ajoutés aux aliments par les entreprises alimentaires selon une fonction spécifique bien déterminée. Parmi ces composants, on retrouve notamment les édulcorants, les colorants, les conservateurs, les correcteurs d’acidité, les antiagglomérants, les exhausteurs de goût, etc. Parfois, ces substances sont bien souvent présentes à l’état naturel dans toute une série d’aliments. Par exemple, le numéro E 330 est l'acide citrique, qui se trouve également dans les agrumes.

« L'ajout d'un additif a une fonction technologique et est un choix conscient. Évitons les simplismes et accordons la priorité au débat scientifique. » – Bruno De Meulenaer, UGent

En bref, les producteurs ajoutent des additifs à certains produits pour garantir la qualité et le goût sur une plus longue période. Lorsque vous préparez quelque chose à la maison, vous le mangez peu de temps après. Grâce aux additifs, vous pouvez prolonger la durée de conservation tout en maintenant une qualité identique. De plus, l'ajout d'additifs ne dit rien sur le degré de transformation d'un produit.

« Dans certains cas, le producteur peut encore enlever les additifs du produit. Mais il n'existe aucun lien entre le degré de transformation et les additifs. » - Christophe Blecker, Université de Liège – Gembloux Agro-bio Tech

5. Opter pour une approche globale

Comment faire pour que le choix d'une alimentation saine devienne un choix facile ? Les consommateurs font leurs propres choix alimentaires, mais leurs connaissances en matière d’alimentation sont insuffisantes.

« Une partie de la solution ? Nous devons nous concentrer sur les connaissances et le savoir-faire en élargissant notre vision de l'alimentation, en cuisinant différemment (via le batch cooking) ou en cuisinant ensemble à travers des workshops ou des activités telles que des cuisines de quartier ou d'autres nouvelles initiatives. » - Tania di Calogero, Observatoire de la Santé du Hainaut

Il est crucial d’avoir une approche globale et positive, en collaboration avec l’ensemble des acteurs, si nous voulons lutter contre le surpoids et l'obésité.

« D'une part, on peut miser sur la sensibilisation et la communication, mais cela ne suffit pas. D'autre part, il faut s'attaquer à l'environnement alimentaire. Le prix, l'accessibilité, la proximité, le marketing et la publicité sont également des facteurs importants. C'est une approche globale où de nombreux acteurs jouent un rôle. » - Loes Neven, Gezond Leven

6.  Ready, set, go?

Il est temps d'investir davantage dans la santé et la prévention, avec le soutien d'une politique audacieuse. Dans le même temps, nous devons informer les consommateurs dès leur plus jeune âge sur l’alimentation, afin d'améliorer l’éducation alimentaire dans notre pays. Le front-of-pack labelling peut y contribuer, à condition que le système soit correctement fondé sur des bases scientifiques et qu'il soit correctement appliqué. 

« Nous devons prendre un nouvel arsenal de mesures. Aujourd'hui, il y a neuf ministres responsables de la santé publique, et cela complique les choses. Nous investissons insuffisamment dans la prévention et une alimentation saine. » – Laurence Doughan, SPF Santé publique

En plus des autorités, l'industrie alimentaire a elle aussi un rôle à jouer. Grâce au Nutri-Pact, les entreprises alimentaires s'engagent à continuer d'améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits, en veillant à augmenter les fibres et à réduire le sel et le sucre. Grâce au projet de nudging avec Be4Life, le secteur alimentaire encourage également les consommateurs dans les magasins à opter pour des choix plus sains. Le secteur continue également de s'engager dans un marketing responsable envers les enfants, à travers le Nouveau Code de publicité.

Vous souhaitez en savoir plus sur nos engagements et sur la manière dont l'industrie perçoit les aliments (ultra)transformés ? Consultez ici la position de Fevia

Les après-midis de dialogue se sont déroulés de manière constructive et ont permis les échanges nécessaires entre les acteurs. Lorsque vous écoutez respectueusement les opinions des autres, cela ne peut que conduire à de nouvelles perspectives et à des collaborations. Nous sommes sur cette voie et nous tendons déjà la main pour amorcer de nouvelles initiatives.

Consultez ici les photos des après-midis de dialogue néerlandophone et francophone.