Trop is te veel : 26 contrôles par an par entreprise alimentaire !

15.07.2024

« A cause du tsunami de réglementations, je ne parviens plus à m’occuper de l’essentiel comme je le voudrais » : c'est l'une des nombreuses préoccupations des entreprises alimentaires, grandes et petites. La charge administrative ne cesse de croître et nos entrepreneurs ne savent plus où donner de la tête. Le personnel consacre plus de temps à la paperasse qu'à la production elle-même. Afin d’objectiver la situation, Fevia a mené une enquête auprès de ses membres. Les résultats le confirment : les nouveaux gouvernements auront du pain sur la planche pour remédier à cette situation.

Au total, environ 70 réponses ont été reçues :

  • 86% proviennent de PME
  • les trois quarts des répondants sont situés en Flandre
  • près de 90% produisent en Belgique
  • et les différents secteurs de l’industrie alimentaire sont bien représentés.

Les charges administratives ont (considérablement) augmenté ces 5 dernières années

A la quasi-unanimité, les entreprises indiquent que les charges administratives ont connu une augmentation au cours de la dernière législature. 97 % affirment qu'il s'agit d'une augmentation, et 54 % parlent d'une augmentation significative. Seul 1,5% des répondants indiquent que les charges ont diminué.

Mais attention, les charges administratives ne proviennent pas uniquement des autorités publiques. Les relations commerciales apportent également leur lot de lourdeurs administratives. La répartition entre les autorités et les relations commerciales serait de l’ordre de 60/40.

En ce qui concerne le niveau de compétences des autorités publiques, 33% du total des charges administratives seraient de la responsabilité du fédéral, 17% des Régions et 7% des communes. En ce qui concerne les relations commerciales, 24% des charges administratives totales seraient imposés par les acheteurs et 12% par les fournisseurs.  

Les cinq domaines les plus impactants en matière de charges administratives imposées par les autorités publiques sont, par ordre d’importance : la législation en matière de sécurité sociale (100 points), la législation sur le travail (94 points), la sécurité alimentaire et l’étiquetage produits (93 points), la fiscalité (86 points) et les emballages (81 points). A noter : le développement durable arrive en 6ième position (76 points).

Chiffre interpellant : en moyenne, en 2023, chaque entreprise a été soumise à 26 contrôles et enquêtes en tout genre, soit plus de 2 par mois.

Les charges administratives coûtent très cher

Les entreprises alimentaires ont quasi toutes dû s’adapter pour pouvoir faire face à la montagne de charges administratives. Ainsi, elles ont eu massivement recours à des consultants (85% des répondants). Une grande majorité a également dû adapter ses systèmes (71%) et/ou ré-allouer les tâches en interne, avec éventuellement embauche supplémentaire (65%).

Enfin, pour pouvoir remplir leurs obligations administratives, 3 entreprises sur 10 ont recruté de nouveaux profils (p. ex. expert en énergie, en développement durable, ...). Globalement, c’est 84% des entreprises qui ont dû engager, en moyenne, près de 5 équivalents temps-plein supplémentaires au cours des 5 dernières années pour pouvoir absorber les charges administratives.

Par ailleurs, il est dommage de constater que, pour les répondants, implémenter correctement les règlementations reste une gageure et que l’aide des administrations ne suit pas.

Point positif : la digitalisation

Une petite lueur d’espoir dans ce labyrinthe de charges administratives ? La digitalisation. Dans l’ensemble, les entreprises apprécient que la communication avec les pouvoirs publics puisse de plus en plus se faire par voie numérique. La gestion simplifiée de l’identité et des accès via l’application itsme® est également accueillie favorablement.

Cependant, cette digitalisation des relations avec l’administration peut encore être améliorée. Ainsi, les systèmes informatiques utilisés, par exemple XML, sont souvent difficiles à comprendre pour les entreprises ne disposant pas des compétences IT en interne. Elles doivent alors se tourner vers des consultants, ce qui engendre bien sûr des coûts supplémentaires. La gestion des accès via CSAM est également source de perte de temps dans la mesure où il peut être difficile de retrouver quel "rôle" couvre quels accès exactement et qu’aucune liste claire n'est disponible.

Enfin, certains portails informatiques ne tiennent pas compte de certaines activités spécifiques, ce qui entraîne des conflits (par exemple, le portail de déclaration des droits d'accises sur l'alcool a été développé pour les brasseries, mais pas pour la petite consommation (décimales).

Points négatifs : la complexité et les contradictions

Le gros point noir réside dans la complexité des règlementations diverses et variées. Avec comme conséquences, des difficultés d’implémentations sur le terrain… et des interprétations variables lors de contrôles par les autorités (par exemple, pour les dispenses partielles de versement de précompte professionnel pour le travail de nuit ou le travail en équipes) !

Autre point noir, des réglementations parfois contradictoires entre administrations (par exemple, entre services de prévention incendie et AFSCA) ou entre niveau de pouvoir (par exemple, une zone de basse émission définie différemment en Flandre et à Bruxelles).

Changer de paradigme avec 3 priorités

Priorité numéro 1 : alléger la pile de charges administratives plutôt que de l’alourdir

Le principe qui devrait accompagner toute nouvelle charge doit être « 1 in, 2 out » ! De même, les autorités doivent d’abord aller puiser dans les données dont elles disposent déjà, toute administration et niveau de pouvoir confondus, avant de demander aux entreprises d’encore remplir une énième déclaration.

Priorité numéro 2 : accorder plus de confiance plutôt que de « chercher la petite bête »

Beaucoup de chefs d’entreprise ont le sentiment d'être systématiquement dans le collimateur des autorités de contrôle. Bien sûr, des contrôles sont nécessaires, mais ils doivent partir du principe que l’entreprise a tout mis en œuvre pour se conformer à ses obligations.

Priorité numéro 3 : s’assurer d’un cadre réglementaire stable, proportionné et cohérent

Il faut à tout prix éviter de sans cesse modifier la législation. Ceci engendre une instabilité juridique difficilement compatible avec des investissements à moyen-long terme. De plus, les règlementations, dans la mesure du possible et là où c’est souhaitable, doivent pouvoir prendre en compte les caractéristiques des entreprises, par exemple leur ancienneté ou leur taille.

Elles doivent être « toutes proportions gardées » et avec une valeur ajoutée pour l’entreprise et l’administration : demander aux grandes entreprises de faire un reporting de leurs émissions indirectes de CO2 dans la cadre du CSRD entraine immédiatement des centaines de questionnaire envoyés à tous leurs fournisseurs et/ou clients, qu’ils soient petits ou grands. C’est une masse de travail gigantesque pour chiffrer ses émissions indirectes de CO2, chiffre qui de plus ne sera que difficilement contrôlable.

Et enfin, les différentes autorités doivent être cohérentes entre elles. Un exemple ? L’Europe développe une série de législations, toutes avec un objectif très louable, qui visent à obliger l’entreprise à se préoccuper de ‘impact social et environnemental de sa chaine de valeur’ : le règlement déforestation, la directive Due Diligence, le règlement sur le travail forcé, … Chacune de ces législations a un scope différent (notamment au niveau des entreprises concernées) et une approche différente. Une concertation et une coordination entre les administrations, européennes et nationales, en charge de ces législations permettraient de limiter drastiquement la charge administrative.

Sur base de cette enquête, Fevia va formuler des propositions concrètes aux futurs gouvernements, visant à diminuer la charge administrative.