Position: Les clauses miroirs

Tine Vandervelden
18.06.2024

Fevia préconise des accords commerciaux européens avec des partenaires stratégiques basés sur le principe d'équivalence, c'est-à-dire offrant un niveau de protection des personnes et de l'environnement équivalent à celui de l'UE.  

De quoi s’agit-il exactement ? 

  • Le terme « clauses miroirs » fait référence à l'exigence selon laquelle les produits importés doivent être produits selon les mêmes normes sanitaires, phytosanitaires, de bien-être et environnementales que les produits fabriqués dans l'UE.  
  • Le terme a été introduit pour la première fois par la France lorsqu'elle était présidente du Conseil de l'Union européenne en 2022. La France cherche ainsi à protéger son secteur agricole.
  • Le terme est d'actualité en Belgique en raison des récentes protestations des agriculteurs. La raison derrière cela est la suivante : l'Europe impose de plus en plus de règles à ses agriculteurs en matière de climat, d'environnement et de bien-être animal pour atteindre les objectifs du Green Deal. Pour que les agriculteurs puissent jouir de conditions de concurrence équitables, les produits importés devraient être soumis aux mêmes conditions. 
  • Les règles concernant l'importation et l'exportation de produits sont déterminées au niveau mondial par l'OMC. L'UE peut conclure des accords supplémentaires avec des pays tiers dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux. Ceux-ci doivent cependant être conformes aux règles de l'OMC (être « WTO complient »). 
  • L'OMC impose le principe d'équivalence ou de comparabilité des normes. Cela signifie que les partenaires commerciaux reconnaissent la réglementation d'autres pays comme étant acceptable, même si elle diffère de leur propre réglementation, tant qu'un niveau de protection équivalent est assuré. 
  • Les clauses miroirs vont encore plus loin : elles exigent que les produits soient fabriqués selon les mêmes normes de production que dans l'UE.  
  • Le problème réside dans l’applicabilité. Les critères pour les produits peuvent encore être établis sur papier et également contrôlés en vérifiant à la frontière si le produit répond à toutes les conditions. Il est toutefois presque impossible de contrôler à la frontière comment un produit agricole a été produit, quelle quantité d'eau, d'antibiotiques ou de matériaux toxiques pour l'environnement ou les personnes ont été utilisés. 
  • Les partisans des clauses miroirs souhaitent que l'UE les intègre dans les accords commerciaux, comme éventuellement l'accord commercial UE-Mercosur. L'OMC a indiqué que les clauses miroirs ne sont pas nécessairement en violation de ses règles, mais qu'elles doivent être soigneusement évaluées et répondre à des conditions spécifiques. L'OMC veillera à ce que les clauses miroirs ne constituent pas une forme de protectionnisme visant à accroître la compétitivité de l'agriculture européenne. 
  • La demande de réciprocité peut également venir des deux côtés. Dans le cadre d'un accord commercial, le partenaire peut donc tout aussi bien demander à l'UE de suivre ses systèmes. L'imposition de l'application des normes de l'UE aux produits importés peut entraîner des réactions négatives et des représailles de la part des gouvernements de pays tiers, y compris des éventuelles restrictions sur les exportations de l'UE. 

Quelle est la position de Fevia ? 

Pour Fevia, la durabilité dans la production de denrées alimentaires et de boissons est une priorité. Nous travaillons donc avec nos membres et nos partenaires sur des actions concrètes dans le cadre de notre roadmap de développement durable.  

L'industrie alimentaire belge opère au sein d'une chaîne de production globalisée. Nous importons par exemple des grains de café du Brésil, du cacao de Côte d'Ivoire et des céréales d'Ukraine pour produire du café, du chocolat, du pain et des pâtes. La Belgique est un exportateur net de produits alimentaires et de boissons. La moitié du chiffre d'affaires de l'industrie alimentaire belge provient des exportations, qui sont également le moteur de la croissance de l'industrie alimentaire. La moitié des emplois dans le secteur dépend donc du commerce international. Cela vaut également pour l'UE : celle-ci est le plus grand exportateur mondial de produits agroalimentaires. Pour maintenir cette position, il est important de réduire au maximum les barrières commerciales et d'assurer autant que possible la sécurité juridique.  

Fevia se montre donc en faveur des points suivants : 

  • Une politique commerciale ouverte et mondiale qui tient compte des chaînes de production intégrées. 
  • Des règles solides et contraignantes en matière de commerce international au niveau mondial. Ces règles doivent être convenues et appliquées au sein de l'OMC. 
  • En outre, des accords commerciaux bilatéraux avec des partenaires stratégiques, fondés sur le principe d'équivalence. En d'autres termes, conclure des accords avec des pays qui offrent un niveau de protection équivalent à l’UE pour les personnes et l'environnement.   
  • Un tableau de bord européen objectif en matière d'accords commerciaux internationaux, qui examine de manière objective et cumulative l'impact sur le secteur agroalimentaire et prend en compte les coûts et les avantages de différents accords commerciaux.  
  • Prendre en compte les intérêts à long terme dans la politique commerciale européenne. Les négociations sur un accord avec l'Australie ont échoué parce que l'UE insistait sur ses indications géographiques et voulait que l'Australie applique les règles européennes de durabilité à son propre système agricole. Cependant, l'Australie dispose de son propre système, basé sur sa géographie et son écosystème propres, auxquels les normes de production de l'UE ne peuvent pas simplement être appliquées. L'Australie possède les matières premières dont l'Europe a besoin pour la production de batteries nécessaires à la transition verte. 
  • Un fondement scientifique des éventuelles clauses miroirs. Sont-elles réellement uniquement liées aux objectifs de durabilité ? 
  • La sécurité juridique dans le commerce international. Les clauses miroirs doivent donc être soumises à un « stress test de l'OMC ». Sont-elles conformes à l'obligation d'équivalence de l'OMC ? Sont-elles, en d'autres termes, WTO complient ? Si ce n’est pas le cas, l'UE s'expose à des différends commerciaux qui pourraient durer très longtemps.   
  • Veiller à ce que l'imposition de clauses miroirs ne se retourne pas contre nous et ne mette pas en danger notre compétitivité.  
    • Elles pourraient en effet entraîner l'interdiction de produits provenant de certains pays (en développement) qui sont transformés ici par l'industrie alimentaire. Ces pays chercheront alors d'autres destinations à l'exportation. 
    • Que se passe-t-il si le partenaire commercial a des normes plus strictes que l'UE ou veut imposer des clauses miroirs pour protéger certains secteurs ? L'UE doit alors également être prête à suivre la réglementation d'un pays tiers.