La famille Fevia compte depuis peu une nouvelle fédération sectorielle parmi ses membres : Vinum Et Spiritus, la fédération belge des vins et spiritueux. Nous levons donc notre verre à cette nouvelle collaboration avec Geert Van Lerberghe, qui, en tant que CEO, est clairement fier de la grande résilience de ses entrepreneurs. Malgré de nombreux défis, ils continuent à travailler avec passion sur des produits de qualité, dans une perspective locale et avec un grand sens des responsabilités. C’est un secteur au passé riche, mais qui est aussi tourné vers l’avenir.
Soyez le bienvenu, Geert ! Pourriez-vous nous présenter brièvement votre secteur ?
Notre fédération compte près de cent membres que l’on peut diviser en trois groupes. Il y a d’abord les producteurs, tant les distilleries professionnelles que les viticulteurs. Ensuite, il y a les commerçants, les importateurs et les embouteilleurs, qui importent des vins et des spiritueux de qualité et les mettent en bouteille ici. Ce segment est d’ailleurs en pleine croissance et génère beaucoup d’investissements et d’emplois. Enfin, il y a les sections belges des grands groupes internationaux, qui ont souvent un hub ici à Bruxelles, la capitale de l’Europe.
Ensemble, ces membres forment un secteur qui contribue beaucoup à l’économie belge et représente 1 500 emplois directs et 30 000 emplois indirects. Une étude réalisée il y a quelques années a montré qu’avec les partenaires de la chaîne, nous créons une valeur ajoutée de pas moins de 2,6 milliards d’euros. Nous étions nous-mêmes surpris !
Le « local » est clairement une tendance actuelle. Quel est l’ancrage local de votre secteur ?
Un vignoble est presque le paroxysme de l’ancrage local, car on ne peut pas le déplacer ! Vinum Et Spiritus a travaillé dur, et avec succès, pour faire reconnaître en Europe une série d’appellations d’origine et d’indications géographiques belges. Aujourd’hui, nous disposons dans notre pays d’une série d’appellations qui offrent aux consommateurs une garantie de qualité.
En Flandre, par exemple, vous pouvez trouver le vin du Hageland, le vin Haspengouw, le Heuvellandse Wijn, le vin de la vallée de la Meuse au Limbourg (Maasvallei Limburg), le vin mousseux flamand, ou des indications géographiques protégées comme le Vin de pays flamand. En Wallonie, nous avons les vins Côtes de Sambre et Meuse et le Vin de pays des jardins de Wallonie.
Qu’en est-il de l’ancrage local des dits « spiritueux » ?
En principe, les distilleries sont moins liées au territoire, mais elles sont elles aussi fortement ancrées dans notre tradition locale. Il suffit de penser au genièvre. La tendance est ici à l’utilisation d’ingrédients purement locaux : « du grain au verre », comme on dit. Et pour nos genièvres aussi, l’Europe reconnaît les appellations locales, pour celles qui répondent à un cahier des charges strict. Pensez par exemple au graanjenever, au Hasseltse jenever, au Balegemse jenever, au O’de Flander Oost-Vlaamse graanjenever, aux nombreux genièvres de fruits, etc.
Et, peut-être plus surprenant, nous travaillons également actuellement à la reconnaissance de nos whiskys belges. Ces dernières années, diverses distilleries et brasseries ont mis sur le marché de très bons whiskys belges de qualité.
Tradition et innovation vont donc de pair ?
C’est exact. La tradition a ses charmes, mais nous ne voulons bien sûr pas non plus rester bloqués dans le passé. Nous gardons les bonnes choses du passé, mais en même temps nous nous remettons continuellement en question afin de rester un secteur pertinent pour l’avenir. Concrètement, cela se traduit par l’énorme devoir de diligence que nous avons envers les consommateurs. Nos produits sont là pour être appréciés, mais de manière modérée et responsable. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine, tant en ce qui concerne la sécurité routière que la protection de nos jeunes contre l’abus d’alcool.
Comment vous y prenez-vous concrètement ?
Par exemple, nous avons mis en place un partenariat avec le Fonds Emilie Leus. Cette organisation a été fondée il y a dix ans par le père d’une jeune fille tuée par un chauffeur ivre. Le Fonds s’engage à faire prendre conscience à tous qu’on ne peut pas boire ET conduire. Nous aidons le fonds à distribuer des éthylotests dans les établissements horeca et les parkings, afin de décourager les conducteurs de prendre le volant en état d’ivresse. Ce type d’action est clairement une tendance dans le secteur et ne diminuera pas, au contraire.
Quelles autres tendances observez-vous dans votre secteur ?
Il y a clairement une tendance liée au « craft » (artisanat). Nous constatons une demande croissante de produits locaux, fabriqués de manière artisanale. Il suffit de penser à nos fameux élixirs, au pastis flamand ou au whisky ou genièvre belges.
Une troisième tendance est la réduction du volume d’alcool. C’est plus difficile pour nos produits comparé, par exemple, au secteur de la bière, où de sérieuses mesures ont été prises dans ce domaine. Pour les spiritueux, la loi prescrit le pourcentage minimum d’alcool qu’un whisky ou un gin doit contenir pour pouvoir porter ce nom. Mais on voit aussi de plus en plus de spiritueux sans alcool, la plupart à base d’eau mais mélangés à des herbes ou plantes aromatiques.
Il y a une évolution similaire pour nos vins, mais il reste un défi à relever pour maintenir la qualité et le goût des produits avec une teneur plus faible en alcool. Cela n’empêche pas les viticulteurs d’innover, mais ce n’est pas évident. De plus, nous voulons que cette qualité reste abordable.
Le rapport qualité-prix est-il aussi un défi ?
Sur le marché belge, vous trouverez un large choix de vins de qualité en provenance du monde entier à des prix raisonnables. Nos viticulteurs belges doivent quant à eux vendre la bouteille à 10 euros minimum pour pouvoir continuer à travailler de manière rentable. En ce qui concerne les spiritueux, on constate que les volumes vendus en Belgique diminuent d’année en année, alors que la consommation augmente. Cela est dû aux achats transfrontaliers, qui sont le résultat d’un cadre fiscal inapproprié.
Je fais référence ici à l’augmentation des accises de novembre 2015, qui a augmenté les accises sur le vin de 30 % et sur les spiritueux de 41 %. Cette augmentation gigantesque a provoqué une hausse des prix dans notre pays et nous a rendus moins compétitifs vis-à-vis de nos pays voisins.
Quels sont les produits que le Belge achète de l’autre côté de la frontière ?
Il s’agit principalement de spiritueux, mais aussi de vins mousseux. Le Belge aime les bulles. Cela a entraîné une perte totale de 126 millions d’euros pour le gouvernement après 4 ans. Le gouvernement espérait une augmentation des recettes des droits d’accises, mais au lieu de cela, les recettes de la TVA ont encore diminué. Et ce alors que le consommateur ne consomme pas moins, il achète simplement ailleurs.
Je tiens à être clair : nous n’aspirons pas à une augmentation de la consommation d’alcool ! Nous voulons un système fiscal qui permette aux Belges d’acheter leurs vins et spiritueux ici pour les déguster de manière responsable. C'est également dans l’intérêt des autorités de faire rentrer davantage de revenus dans les caisses de l’État, surtout dans la situation budgétaire actuelle.
De quoi êtes-vous le plus fier à présent ?
Nous pouvons être fiers de beaucoup de choses, mais je tiens à souligner la résilience de notre secteur. Surtout depuis 2015, après l’augmentation des droits d’accises. Malgré cette situation difficile, nous continuons à innover et à investir dans la qualité. Nos entrepreneurs sont des artisans passionnés qui croient en leurs produits. Grâce à la résilience de nos collaborateurs, nous croyons fortement en l’avenir.
Comment le secteur peut-il donc concrètement continuer à se développer ?
La croissance n’est pas évidente dans les circonstances actuelles, mais nous voyons quand même deux possibilités. L’une d’elles est l’exportation. Aujourd’hui, nos exportations sont encore relativement limitées, car la plupart de ce que nous produisons ici est destiné au marché belge. Mais à l’étranger, la problématique des accises joue un rôle moins important. Nous devons donc encourager nos distilleries et nos viticulteurs à promouvoir leurs produits artisanaux dans les pays voisins.
Pour ce faire, nous devons rattraper notre retard et, en tant que fédération, nous essayons d’aider et de stimuler nos membres. Cela nécessite bien sûr un changement de mentalité, mais un état d’esprit plus international offre des opportunités. Un pas vers le commerce électronique est également important : là aussi, nous voulons aider nos membres autant que possible à développer un deuxième canal de vente à part entière via l’e-commerce.
Enfin, il est actuellement difficile de contourner la crise du coronavirus. Comment votre secteur s’en est-il sorti ?
Les effets diffèrent en fonction de la dépendance de l’horeca, mais malheureusement nous constatons tous une baisse spectaculaire des ventes. En mars et avril de cette année, l’impact des ventes fluctue entre -65 % et -97 %. À cela viennent s’ajouter les achats transfrontaliers redevenus possibles depuis le 15 juin. C’est pourquoi nous tendons vers les « secteurs oubliés ». De nombreuses mesures de soutien ont été prises pour le secteur de l’horeca, et ce à juste titre. Mais nous avons reçu peu ou pas de mesures de soutien spéciales, même si l’impact est énorme.
Et malgré cela, on a pu une fois de plus remarquer la résilience et le sens des responsabilités de notre secteur ! Afin de compenser la pénurie de gels désinfectants, plusieurs distilleries se sont lancées dans la production de gels pour les mains et d’alcool désinfectant. C’est grâce aux ministres des Finances Alexander De Croo et de l’Économie Nathalie Muylle qui, à la demande de Vinum Et Spiritus et de Fevia, ont assoupli le cadre réglementaire pour permettre cette production.
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Et pourtant, vous croyez en l’avenir ?
Nous voulons rester un secteur qui a un rôle à jouer dans la société. Bien sûr, nos membres essaient aussi de produire en ayant de moins en moins d’impact sur l’environnement, mais notre plus grand défi est que l’alcool puisse faire partie intégrante d’un mode de vie équilibré. De manière modérée et responsable, bien sûr. C’est un exercice d’équilibre constant, mais nous croyons fermement que nous pouvons y parvenir.
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