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- Bientôt une compensation des émissions de CO2 en Belgique ?
De nombreuses entreprises alimentaires investissent déjà depuis des années pour réduire au maximum leurs émissions de CO2. Face à l’ambition « zéro carbone » de l’Europe d’ici 2050, elles doivent à présent aussi compenser leurs émissions résiduelles. Alors que les projets de « compensation carbone » sont généralement basés à l’étranger, Fevia souhaiter encourager une compensation carbone locale afin de rendre notre système alimentaire encore plus durable. Pour y arriver, elle souhaiterait cocréer un référentiel belge avec les autorités.
Dans le cadre des accords de Paris, l’Union européenne s’est fixé deux objectifs : une réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à 1990, et une neutralité carbone pour 2050. La Belgique a déjà réduit ses émissions de près de 20% entre 1990 et 2019, mais ce n’est donc pas suffisant. Pour contribuer à ces objectifs climatiques ambitieux, les entreprises doivent tout mettre en œuvre afin de réduire leurs émissions de CO2.
Mais lorsqu'une entreprise a déjà envisagé toutes les actions possibles pour réduire ses émissions, il lui reste néanmoins des émissions incompressibles, dites inévitables. Pour une entreprise alimentaire, ce sont typiquement les émissions provenant, par exemple, d'une chaudière au gaz. C’est pour ce type d’émissions que le mécanisme de compensation carbone a été mis en place.
Nous nous sommes entretenus avec Ann Nachtergaele, directrice environnement et énergie chez Fevia, à propos de l’impact de cette nouvelle thématique sur la chaîne alimentaire, et Thomas Ansotte, stagiaire chez Fevia, qui a aidé Fevia à identifier des pistes de solutions.
Quel est l’enjeu pour l’industrie alimentaire ?
Pour Ann Nachtergaele, directrice environnement et énergie chez Fevia, la compensation carbone offre des opportunités :
« Il est indispensable que les entreprises aient le choix entre plusieurs systèmes de compensation carbone. En fonction de son budget et de sa chaîne de valeur, une entreprise souhaitera investir dans tel ou tel projet qui fait sens pour elle. Or, actuellement, la compensation carbone se fait uniquement à l’étranger. Rendre possible la compensation carbone chez nous permet de mettre en avant les relations de l’entreprise belge avec sa chaîne de valeur locale, ce qui contribue au maintien d’une agriculture de qualité et viable en Belgique. »
Que font déjà les entreprises alimentaires concrètement aujourd’hui ?
Thomas : « Actuellement, la plupart des projets de compensation carbone se déroulent à l’étranger, dans les pays en voie de développement. On a, par exemple, des entreprises qui investissent dans le développement de projets de réhabilitation des sols, de reforestation, de forage et d’accès à l’eau potable, de foyers de cuisson améliorés qui ne consomment pas de bois, tout en générant de l’électricité, etc. Ce sont des projets qui luttent contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité, avec des bénéfices complémentaires pour les populations locales. »
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Pourquoi ces projets ont-ils lieu à l’étranger plutôt que chez nous ?
Thomas : « L’une des raisons est que le prix d’une tonne de carbone y est nettement moins cher. Une autre raison est que ce type de compensation s’inscrit dans un cadre international clair et contrôlé. Toutefois, certains acteurs du marché belge s’accordent pour dire qu’il pourrait être intéressant de compenser localement, c’est-à-dire dans la région d’implantation de l’entreprise, plutôt qu'au niveau international. »
La compensation carbone pour les nuls
La compensation carbone est un mécanisme qui permet à des entreprises (ou des Etats) de compenser ou neutraliser l'impact d’une tonne de carbone émise quelque part, en finançant des projets de séquestration ou de réduction d’une autre tonne de carbone ailleurs. Chaque tonne de CO2 évitée est certifiée par la remise d’un « crédit carbone » qui peut être acheté par des entreprises qui veulent devenir neutres. L’entreprise doit donc d’abord quantifier ses émissions incompressibles, celles qu’elle n’a pas pu réduire elle-même sur son site de production. Ensuite, elle peut financer des projets de réduction ou de séquestration ailleurs, à hauteur de ses émissions incompressibles. Au final, l’entreprise n’aura plus d’émissions de CO2 nettes et pourra recevoir un label « neutre en CO2 ».
En quoi une compensation carbone à l'échelle locale serait-elle plus avantageuse ?
Thomas : « Un projet de compensation doit être durable et garantir la pérennité des réductions. En agissant localement, on contrôle mieux la réalité des réductions et émissions évitées, ainsi que le suivi d’un projet et on améliore donc sa durabilité. Les projets locaux contribuent aussi à la transition vers un système alimentaire plus durable. En revanche, les projets à l'étranger restent indispensables quand les projets locaux sont insuffisants pour couvrir la demande. »
Ann : « Beaucoup d’entreprises désirent compenser leurs émissions au niveau local afin d’avoir un impact environnemental ou social plus proche de leurs activités. Cela présente aussi des avantages pour les collectivités locales. Par ailleurs, les entreprises qui investissent dans des projets locaux peuvent mieux se démarquer. C’est pour ces raisons que Fevia souhaite explorer la piste d’un système de compensation carbone local. Cela a véritablement du sens. »
Quelles sont les possibilités chez nous ?
Thomas : « Le stockage de carbone dans les terres agricoles belges offre, par exemple, encore beaucoup de potentiel. Le secteur agricole peut donc jouer le rôle de puits de carbone pour l’industrie alimentaire, et ainsi générer des émissions négatives en absorbant plus de gaz à effet de serre qu’il n’en émet.
En lançant et en soutenant des projets qui augmentent la teneur en carbone des sols, l'industrie alimentaire s'assure de disposer, à l'avenir, de suffisamment de matières premières de qualité. Un agriculteur a plusieurs possibilités pour séquestrer du carbone : l’agroforesterie, l’agriculture régénératrice, la mise en place de prairies, d’autres pratiques culturales, etc. »
Ann : « D’autres projets de compensation, qui contribuent à la réduction de CO2 dans la chaîne, peuvent également être mis en place en Belgique. Citons, par exemple, un autre système logistique, la diminution des pertes alimentaires chez le consommateur ou encore le développement d’énergie renouvelable au niveau de la ferme... »
Qu’est-ce qui freine véritablement le développement de projets locaux de compensation carbone ?
Thomas : « Le manque d’un cadre de certification volontaire au niveau de la Belgique, un référentiel qui permet de mesurer la réduction des tonnes de CO2 localement. On constate un manque de transparence dans les projets de réduction, dû notamment à l’existence de nombreuses méthodologies et procédures de certification. Le risque est alors d'aboutir à des crédits carbone de mauvaise qualité, issus de réductions d’émissions non-additionnelles, ou qui font l'objet d'un double comptage. »
Tu as identifié des solutions ?
Thomas : « Il pourrait être intéressant de créer un référentiel belge, qui pourrait offrir un cadre au développement d’un marché volontaire du carbone en Belgique. Pour ce faire, il conviendrait d'élaborer des méthodologies afin de déterminer les réductions que l'on attribue aux entreprises, par exemple, pour éviter un double comptage, etc. On pourrait, dans cette optique, se baser sur le label 'bas carbone' en France. Il est également important que notre approche soit compatible avec des initiatives similaires dans d’autres pays. »
Comment Fevia, en tant que voix du secteur alimentaire, peut-elle agir en ce sens ?
Ann : « Fevia ne peut développer un tel référentiel à elle seule. Cela doit se faire au niveau national, en collaboration avec les pouvoirs publics et les parties prenantes. Des initiatives sont déjà en cours. Il ne faut pas non plus tout inventer. En tant que fédération, nous pourrions coconstruire le système avec les autorités, en faisant des propositions concrètes pour les inciter à agir et montrer l’enthousiasme du secteur à développer un marché volontaire. »
Thomas : « Pour établir ces propositions, je pense qu’il serait intéressant de créer un groupe de travail, dans lequel plusieurs fédérations, initiatives, entreprises pourraient travailler ensemble et formuler des propositions en fonction des attentes de chacun. Certaines initiatives existent déjà, comme Farming4Climate, PlantC… Des acteurs déjà actifs dans le domaine de la compensation carbone internationale songent aussi à développer un système belge. Le Boerenbond y réfléchit également, de même que des entreprises alimentaires. La volonté y est, il suffit simplement de s’y mettre ! »
Pour aller plus loin
Le travail que Thomas Ansotte a réalisé pendant son stage pose les bases d’un nouveau champ d’action pour Fevia. La compensation carbone locale dans la chaîne alimentaire est un dossier qui prend de l'importance. Vous voulez échanger sur le sujet ? Prenez contact avec Tom Quintelier (tq@fevia.be). Fevia a organisé un webinaire à propos de la compensation carbone. Pour le revoir, cliquez ici