Appel à notre prochain Gouvernement : mettez en place une norme fiscale. Ça ne coûte rien et ça peut rapporter gros pour tous !

13.01.2025

A l’instar de la norme salariale, le futur Gouvernement devrait instaurer une norme fiscale, calculée par une instance officielle (par exemple, le Conseil central de l’Economie), pour les boissons. Cette norme indiquerait, par catégorie de boissons, le handicap fiscal (TVA, accises, cotisations, …) de la Belgique par rapport à la moyenne des quatre pays voisins, pondérée par leurs poids respectifs dans les achats transfrontaliers.

Cette norme fiscale mesurerait donc la différence de taxes (TVA, accises et cotisation emballages) payées par le consommateur en Belgique et dans les pays voisins, en partant de l’hypothèse que le prix hors taxes est identique dans tous les pays. Ce qui n’est pas gagné étant donné les deux autres handicaps de compétitivité de nos entreprises : handicap salarial et handicap des coûts énergétiques.

Constat : handicap fiscal généralisé en 2024

Que nous indiquerait cette norme fiscale pour l’année 2024 ? Le handicap fiscal est positif pour toutes les boissons. En d’autres termes, pour tout type de boisson, le consommateur paiera (nettement) plus de taxes en Belgique que chez nos voisins. Avec un effet important sur le prix payé à la caisse du magasin.

  • Le handicap fiscal est le plus élevé pour l’eau (plate). Pour une bouteille d’eau d’un litre, les consommateurs payent un montant de taxes près de 5 fois plus élevé en Belgique que dans les pays voisins.
  • Pour les vins et les boissons « light », le montant des taxes est plus du double que la moyenne des 4 pays voisins. Pour les vins mousseux, c’est le triple.
  • La Belgique et l’Allemagne sont les deux seuls pays à imposer des accises sur le café. Ce qui fait que le handicap fiscal est proche des 70%.
  • Le handicap fiscal est le moins élevé pour la bière. Il est cependant regrettable de constater que l’un des fleurons de la gastronomie belge est en moyenne plus lourdement taxé que chez nos voisins.

Les catégories de boissons analysées ici : eau plate, eau aromatisée sans sucres ajoutés, bière 5% vol./12° Plato (petite brasserie : entre 75.000 et 200.000 hl produits par an), vin entre 8,5 et 13% vol., alcool 40°, soda 106 grammes de sucre par litre, café torréfié.

Evolution à la hausse sur les 10 dernières années

On constate une très forte hausse du handicap fiscal pour trois catégories de boissons. Un, le handicap sur les alcools a été multiplié par 7 entre le 1er janvier 2015 et le 1er janvier 2024. Il est ainsi passé de 6% à 41%. En cause, la très forte augmentation des taux d’accises en Belgique (pour un alcool à 40° : de 9,08€/litre à 11,97 €/litre, soit +32%). Deux, les sodas light. Dans ce cas-ci, des mesures décidées non seulement chez nous, mais également chez nos voisins jouent. L’un dans l’autre, le handicap fiscal a augmenté de 80% à 133%, soit une hausse de 66%.

Mesures ayant impacté le handicap fiscal sur le soda light entre 2015 et 2024

A la hausseA la baisse
BE (2016 et 2018) : taxe sodas (accises multipliées par trois)NL (2024) : augmentation des accises sur toutes les boissons rafraichissantes
FR (2018) : accises sur les boissons en fonction du taux de sucreNL (2019) : augmentation de la TVA de 6 à 9%

Enfin, pour l’eau, les Pays-Bas ont supprimé, au 1er janvier 2024, la taxe sur les eaux, ce qui a considérablement alourdi notre handicap fiscal, malgré la hausse de la TVA au 1er janvier 2019. Celui-ci est passé de 284% à 383%.

Par contre, le handicap fiscal s’est réduit pour les sodas « regular ». En effet, en 2018, la France est passée d’une taxation uniforme des boissons rafraichissantes à une taxation progressive en fonction du taux de sucre. Les « droits à la consommation » se sont dès lors réduits sur les boissons « light » et alourdis sur les sodas « regular ». Ainsi, en 2024, les boissons rafraichissantes contenant plus de 80 grammes de sucre par litre étaient plus taxés en France qu’en Belgique. Dans un tableau similaire à celui-ci-dessus, cette mesure passe donc dans la colonne « à la baisse » pour notre exemple de soda contenant 106 grammes de sucre par litre. Les autres mesures du tableau ci-dessus s’appliquent de manière identique.

A noter que la France indexe en principe chaque année le niveau des accises sur l’indice des prix à la consommation hors tabac. Le handicap fiscal va donc « mécaniquement » se réduire, toutes choses égales par ailleurs, d’autant plus que les achats en France représentant la majorité des achats transfrontaliers.

Première étape: meten is weten - Deuxième étape : corriger

Seul un monitoring effectif du handicap fiscal permettra de prendre des mesures correctrices, voir préventives. Parmi ces mesures :

  • Réduire les accises ou à tout le moins geler leur niveau pour la durée de la législature (ou le temps que les pays voisins nous rattrapent éventuellement) ;
  • Supprimer la cotisation emballages ou à tout le moins en faire un véritable incitant en termes de durabilité/circularité pour tous les types d’emballage (sans augmenter le montant « unitaire » par rapport au montant actuel).

Résultat : tous gagnants

Les achats transfrontaliers (770 millions € en 2023) ont privé notre pays de 4.455 emplois, de 350 millions € de valeur ajoutée et de 138 millions € de recettes fiscales (indirectes). Les boissons constituent clairement une catégorie d’appel : les Belges achètent environ 5% de leurs boissons à l’étranger.

Mettre en œuvre les mesures suggérées ci-dessus permettrait de faire baisser les prix relatifs de nos produits et dès lors, de rapatrier ces achats transfrontaliers chez nous. Plusieurs objectifs, socio-économique et environnemental, seraient ainsi atteint :

  • Faire en sorte que l’industrie alimentaire continue à être un moteur économique. En effet, ce moteur essentiel (un quart de l’emploi et du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière) connait à l’heure actuelle des ratés, singulièrement dans le secteur de la fabrication de boissons.
  • Améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs.
  • Contribuer à la durabilité/circularité des emballages.
  • Augmenter possiblement les recettes de l’Etat.

Remarques méthodologiques

Le niveau des accises dépend de plusieurs paramètres (degré d’alcool, taux de sucre, …). Le choix d’une boisson particulière n’est donc pas neutre sur le handicap fiscal.

Le niveau des accises étant fixé par quantité, le handicap fiscal, exprimé en pourcentage, dépendra du prix de vente. Ainsi, pour chaque boisson, plus son prix de vente considéré sera élevé, moins le handicap fiscal sera important. A niveau d’accises constant, l’inflation des prix aux consommateurs réduira dès lors mécaniquement le handicap fiscal.

Pour le calcul du handicap fiscal 2024, la pondération des taxes dans les pays voisins est basée sur la répartition géographique des achats transfrontaliers des 3 premiers trimestres de l’année (les données du 4ième trimestre ne sont pas encore connues). Le handicap pourrait donc encore évoluer à la marge. De plus, les achats transfrontaliers au Luxembourg et en Allemagne ne pouvant être distingués, nous avons choisi de les répartir proportionnellement au niveau de taxation dans ces deux pays.