Dans notre série Food & Figures, notre économiste Carole Dembour analyse un chiffre clé du secteur alimentaire. Dans cette édition, elle se penche sur la chute du nombre de faillites dans l'industrie alimentaire en 2020.
Au cours de l’année 2020, l’industrie alimentaire n’a enregistré que 62 faillites, soit une diminution de 52% par rapport à l’année 2019. En termes d’emplois perdus, le chiffre est en très net recul en 2020 : -82%. La combinaison des deux fait en sorte que le nombre d’emplois perdus par faillite est au plus bas depuis 2005 (première année pour laquelle les données sont disponibles) : 2,5.
Ceci est à mettre en relation avec le fait que les deux tiers des faillites en 2020 concernent les entreprises du secteur de la « Fabrication de pain et de pâtisserie fraîche », en d’autres termes les boulangeries artisanales (pour la toute grande majorité), qui comptent relativement peu d’employés. Avec cette proportion, on se situe en 2020 dans la fourchette haute d’une évolution structurelle puisque les boulangeries artisanales représentent entre 55 et 70% des faillites depuis vingt ans.
Les mesures de soutien ont offert un certain répit
Le reste de l’industrie manufacturière a connu une diminution des faillites d’environ un quart en 2020, et une baisse des pertes d’emplois liées à ces faillites de l’ordre de 20%. Le nombre d’emplois perdus par faillite s’établit à 5,1, légèrement en-dessous de la moyenne de ces 15 dernières années (6,6 emplois par faillite).
La chute du nombre de faillites, dans l’industrie alimentaire comme dans l’ensemble de l’économie, est dû aux mesures prises par les Gouvernements, notamment le moratoire sur les faillites. Reste à voir si cela sera suffisant en cas de reprise lente de l'activité économique.
Dès le début de la crise du coronavirus, un moratoire temporaire sur les faillites a été d’application et ce jusqu’au 17 juin 2020, afin de protéger les entreprises qui étaient en bonne santé avant le 18 mars 2020 contre les effets de la crise du Covid-19. Un deuxième moratoire a été instauré de fin octobre 2020 au 31 janvier 2021, protégeant les entreprises ayant été obligées de fermer leurs portes.
En compensation de la fin de ce deuxième moratoire, le gouvernement a mis en œuvre une réforme, selon 3 axes, afin d’assouplir l’accès à la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ). Premièrement, la procédure a été allégée en ne demandant plus obligatoirement aux entreprises de remettre d’emblée 11 documents mais 3 seulement, les autres documents pouvant être fournis en cours de procédure. Deuxièmement, la procédure ne nécessite plus une publication au Moniteur belge, ce qui permet au médiateur de rencontrer les créanciers en toute discrétion et d’éviter ainsi qu’ils n’exigent le remboursement rapide de leurs créances avant qu’un accord n’ait été conclu. Troisièmement, les PRJ par accord à l’amiable sont encouragées grâce à une exonération fiscale qui n’était jusque-là appliquée qu’aux PRJ obtenues par décision judiciaire.
Entre les deux moratoires, l’administration fiscale et l’ONSS ont épargné, par un moratoire de fait, des entreprises en renonçant à les citer en faillite à la suite de dettes fiscales et sociales. Ce dispositif reste également en vigueur après le 1er février selon le Ministre de la Justice.
Enfin, de nombreuses mesures sont aussi actuellement en vigueur - au niveau fédéral, régional et local - pour soutenir les entreprises en cette période de crise. Par exemple l’ONSS octroie des plans de paiement à l'amiable d'une durée maximale de 24 mois pour le règlement de toutes les cotisations et sommes dues pour l’année 2020. Des mesures de soutien au niveau fiscal, telles que la diminution de 15% du précompte professionnel pour chômage temporaire et l’exonération fiscale pour rémunération des heures supplémentaires dans les secteurs cruciaux, sont d’application jusqu'au 30.06.2021.
Toutes ces mesures publiques décrites ci-dessus ont exercé un effet modérateur sur le nombre de faillites prononcées depuis le mois de mars 2020. Nous verrons comment ce chiffre évolue dans les prochains mois.