Pois, quinoa, épeautre… En Wallonie, il y a un potentiel inexploité dans un certain nombre de filières. Fevia Wallonie, fédération de l’industrie alimentaire wallonne, appelle à « miser sur des filières qui valorisent les matières premières locales pour créer de la valeur chez nous et répondre aux attentes des consommateurs ». L’industrie alimentaire y voit de nouvelles opportunités de marché, des emplois à la clé et la possibilité de s’approvisionner localement. Un choix win-win pour nos agriculteurs et nos industriels. Pour Wagralim, pôle de compétitivité du secteur, c’est l’occasion de « renforcer la collaboration entre acteurs de l’agriculture et de la transformation ». Anne Reul, secrétaire générale de Fevia Wallonie, et François Heroufosse, general manager chez Wagralim, nous éclairent sur ces filières d’avenir prometteuses pour l’économie wallonne.
Anne, dans les médias tout le monde parle d’un retour vers les circuits courts. Est-ce l’avenir de l’alimentaire wallon ?
Anne : « La Wallonie reste une très petite région avec une excellente production agricole, qui ne pourra pas se déconnecter du monde. Cela dit, une réflexion doit avoir lieu pour connecter encore plus les circuits alimentaires, y compris l’industrie de la transformation, à l’échelle régionale. Ceci en ayant en tête deux choses. Premièrement, il ne faut pas opposer les différents systèmes de production alimentaire, mais plutôt favoriser les échanges autour des acquis des uns et des autres. Deuxièmement, il faut se dire qu’un circuit court industriel, au niveau européen, auquel la Wallonie participe en proposant des produits de haute qualité (nutritionnelle par exemple) et avec un niveau de durabilité élevé, serait un premier objectif concret et ambitieux à viser. »
Pourquoi investir dans des filières, comme le pois ou le quinoa, en Wallonie?
Anne : « Il y a une multitude de bonnes raisons : la demande du consommateur, et donc la possibilité de créer de la valeur ajoutée, les défis environnementaux, l’efficience industrielle, etc. La Wallonie a une carte à jouer pour proposer des produits issus d’une région qui comprend encore des espaces naturels riches, des terres agricoles de qualité, et qui peut produire et transformer des produits alimentaires de haute qualité. »
François, quelles sont les filières wallonnes qui ont le plus gros potentiel ?
François : « Les protéagineux, entre autres, représentent un gros potentiel pour plusieurs raisons : l’Europe a la volonté de diminuer sa dépendance protéique, d’une part, notamment pour l’alimentation animale, et la consommation de protéines végétales explose, d’autre part. Nous avons les acteurs industriels en première et deuxième transformation pour répondre partiellement à cette demande. »
On parle de combien d’hectares ?
François : « Il faut dans un premier temps rester modeste, car il y a une compétition potentielle entre plusieurs productions. Il faut réfléchir pour avoir les meilleures rotations, c’est le travail des agronomes. Si on pouvait déjà arriver à 15 000 ha ce serait une première étape significative. »
Certaines filières wallonnes portent-elles déjà leurs fruits ?
François : « Oui, la filière basée sur l’épeautre par exemple : la Wallonie est une région importante dans la production européenne, même s’il s’agit d’une niche. Le projet WALLEP est en train de rassembler 7 entreprises et le monde de la recherche pour développer des produits de boulangerie, des boissons alcoolisées, des pâtes, du boulgour etc. Ce qui est intéressant c’est tout l’apprentissage de travail collaboratif autour du développement de ces filières qui pourra être dupliqué. »
Y-a-t-il des perspectives d’emploi ?
François : « C’est un exercice toujours difficile, mais à titre d’exemple, on estime que la filière épeautre permettra de créer et de maintenir environ 350 emplois. »
Agriculteurs ET producteurs alimentaires wallons ont donc tout à y gagner ?
François : « Oui certainement, il s’agit d’une opportunité qui rallie plusieurs objectifs : économiques, environnementaux, sociétaux… On est en plein dans la durabilité, au sens large du terme. Par ailleurs, ces défis nécessitent une collaboration entre tous les maillons du système alimentaire. »
Qu’est-ce qui freine les (nouvelles) filières ?
François : « Ce qui risque de freiner le développement, c’est un manque d’investissement dans la recherche agronomique ciblée sur ces filières. Wagralim mène actuellement une réflexion pour proposer aux futurs acteurs politiques d’ajouter un volet de recherche agronomique dans les projets du Pôle, en lien bien entendu avec la recherche industrielle. »
Anne : « Je pense à d’autres freins non négligeables : la complexité des législations, le manque de cohérence de certaines politiques et la dispersion des moyens. Fevia Wallonie ne manque pas de sensibiliser le monde politique à cette réalité. »
Que faut-il espérer des futurs responsables politiques ?
Anne : « Le succès des filières d’avenir wallonnes dépend de l’implication de tous : agriculture, industrie, recherche, distribution… C’est d’ailleurs l’objectif de la démarche D’Avenir. Initiée par la FWA, Fevia Wallonie, BFA (alimentation du bétail) et Comeos, et portée par Wagralim, D’Avenir a pour objectif de faire évoluer ensemble tout le système agro-alimentaire wallon vers plus de durabilité. Avec le politique, nous souhaitons renforcer cette démarche et mettre en œuvre un plan global basé sur le référentiel « Alimentation durable » qui a été défini avec toutes les parties prenantes lors de la précédente législature.
François : « Il est effectivement essentiel que tous les acteurs de terrain soient totalement impliqués ensemble dans la stratégie et la mise en œuvre du système alimentaire durable de demain. L’avenir de notre alimentation wallonne repose sur la collaboration ! »