« The war for talent is real ». Début 2019, le service public de l'emploi en Flandre, le VDAB, comptait quelque 41.000 postes vacants. C’est un nombre record selon le VDAB. L’industrie alimentaire belge compte quotidiennement environ 1500 postes vacants, et chaque jour, 36 viennent s’y ajouter. De nouvelles statistiques du VDAB montrent que les jeunes trouvent plus rapidement du travail, mais n’ont pas spécialement le profil technique recherché par les entreprises. Est-ce peine perdue ? Comment nos entreprises alimentaires gèrent-elles ce défi ? Nous avons posé quelques questions à Anke Grooten, notre experte talents et emploi.
Bonjour Anke. Quelle est la situation actuelle sur le marché du travail ?
« Notre société est confrontée à un certain nombre de grands défis, comme le changement climatique, la pénurie d’eau et l’arrivée de nouvelles technologies. Nous devons nous y atteler pas à pas avec des solutions innovantes, et pour cela nous avons besoin de talents avec un profil STEM. C’est à dire avec une formation en science, technologie, ingénierie et mathématiques : c’est la clé pour l’avenir. Hélas, le dernier rapport du VDAB sur les élèves ayant quitté le système scolaire montre justement que l’augmentation nécessaire du nombre d’étudiants dans ces domaines n’est pas atteinte. Selon ce rapport, le nombre d’élèves ayant quitté le système scolaire avec une formation STEM dans l’enseignement secondaire professionnel a même diminué. On constate une croissance limitée dans l’enseignement secondaire général, et une stagnation depuis 2013 dans les masters. »
L’industrie alimentaire ressent-elle aussi cette pénurie sur le marché du travail ?
« L’industrie alimentaire belge est le plus grand employeur industriel du pays. Nous sommes un secteur en pleine croissance, surtout grâce à nos exportations. Et nos entreprises investissent dans de nouvelles technologies. Le secteur est en plein changement en raison de l'automatisation et la robotisation croissantes. Pour cette raison les entreprises alimentaires recherchent chaque jour des talents techniques pour les nombreux métiers en pénurie dont les postes sont vacants. Des talents qui ont envie de travailler dans un environnement à la pointe de la technologie. Sans un afflux de talents STEM de qualité, nous ne pouvons pas combler les nombreux postes vacants du secteur. »
Quelles types de profils recherchez-vous pour ces métiers en pénurie ?
« Nous recherchons des profils très divers : mécaniciens d’entretien, opérateurs de production, boulangers, électriciens, et des cadres pour la production industrielle. Il y en a pour tous les goûts ! »
En d’autres termes, il y a du pain sur la planche pour nos décideurs politiques ?
« Absolument : il est tout simplement essentiel que le prochain gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements des régions et communautés mise sur les formations STEM. En tant que secteur, nous investissons à ce stade déjà beaucoup dans des campagnes pour attirer les jeunes et les motiver à opter pour des formations STEM. Chez Fevia, nous plaidons pour une revalorisation de ces formations, aussi bien au niveau de leur réputation, que de l’encadrement des professeurs, par une meilleure didactique et de meilleurs outils. C’est un défi pour nos responsables politiques. Nous devrions davantage accompagner les talents et encourager les élèves à choisir leurs études de manière consciente et positive en leur expliquant les opportunités qu'offrent les formations STEM dans les différents secteurs. »
Qui d’autre peut aider les jeunes à faire le bon choix d’études ?
« Les parents jouent eux aussi un rôle important dans le choix d’études. Il ressort du baromètre des sciences flamand que beaucoup sous-estiment considérablement l’importance des études STEM dans notre société. Les autorités peuvent changer cette perception par le biais d’une sensibilisation ciblée. Il faut accorder une attention particulière aux filles et aux garçons issus de groupes défavorisés. »
Il faut donc encourager plus de jeunes à suivre des formations STEM. Que pouvons-nous faire d’autre ?
« Nous devons encore travailler au bon déroulement de la formation en alternance dans l'enseignement secondaire et supérieur. Nos entreprises ont beaucoup à offrir : encourageons très tôt les jeunes à acquérir de l’expérience de travail pratique sur le lieu de travail. Par exemple dans des domaines d’étude tels que les procédés techniques chimiques et les techniques électromécaniques. Il est grand temps que la formation en alternance soit considérée en Flandre et en Wallonie comme une solution alternative équivalente à l’enseignement à temps plein.
Et qu’en est-il des talents actuellement présents dans le secteur ?
« Nous devons évidemment continuer à investir dans la reconversion et l’accompagnement de nos talents actuels, afin qu’ils puissent s’adapter à la transition numérique. L’automatisation et la robotisation changent aussi leurs emplois. C’est un défi auquel Fevia veut s’atteler activement au cours des prochaines années, avec ses partenaires sociaux sectoriels. Pour ce faire, nous avons prévu ensemble avec notre fonds social Alimento les moyens et les outils nécessaires. En collaboration avec nos pôles d’innovation Wagralim et Flanders’ FOOD, Alimento a développé de l’expertise à propos de l’influence de ces changements sur les profils actifs dans le secteur, et sur l’organisation du travail. Il est important que nous mettions cette expertise davantage au service des employeurs et des employés du secteur pour les accompagner dans cette transition. Et évidemment, notre porte est aussi ouverte aux talents d’autres secteurs : tentez l’expérience dans l’industrie alimentaire !
Pas mal d’opportunités pour de nombreux talents donc ?
« Exactement. Avec la marque d’employeur Food At Work, nous faisons connaître ces opportunités au grand public. Nous organisons avec Alimento les « Food At Work Days », à savoir un éventail d'événements et d’initiatives pour motiver les jeunes à faire carrière dans l’industrie alimentaire. »
Vous pouvez nous en dire plus sur les initiatives des « Food At Work Days » ?
« Dans le cadre de « Students meet CEO », des étudiants se rendent dans une entreprise alimentaire. Nous faisons correspondre chaque visite à leurs domaines d’étude. Prenez l’exemple d’étudiants en ingénierie. Ils reçoivent une proposition de l’équipe R&D d’une entreprise, pour laquelle ils doivent résoudre un cas concret. Un cas qui peut aussi se présenter dans la pratique. Ça rend la chose très concrète pour les étudiants. Cette initiative en est à sa deuxième édition cette année, et nous pouvons réellement dire qu’elle porte ses fruits. Les « Food At Work Student Awards » sont une autre initiative qui grandit d’année en année. Ces concours mettent les jeunes au défi de développer l’alimentation de demain. Lors de l’événement annuel « Food Forward », nous dévoilons le nom des gagnants et constatons que les jeunes assurent souvent très bien. »
Les produits développés par ces jeunes suivent-ils les tendances alimentaires mondiales ?
« Absolument. La tendance mondiale en matière d’alimentation et de santé était très présente dans les produits développés par les équipes de jeunes. Souvent, ils essaient d’incorporer des produits végétaux – fruits, légumes, algues ou fruits à coques – d’une manière originale dans des produits où on ne les attend pas. Pensez par exemple à de la pâte feuilletée ou des macarons à base de légumes. Et bien c'est étonnamment bon ! En parallèle, on remarque que la vague du développement durable s’étend davantage. Entreprendre de manière circulaire est de plus en plus la norme. A l’instar de nombreuses de nos entreprises, les jeunes aussi recherchent des façons créatives afin de ne rien jeter. Ils transforment par exemple des flux connexes, qui auparavant étaient destinés à l’alimentation animale, pour en faire de nouveaux produits qui pourraient se retrouver dans les supermarchés. »
Nous partageons tous le même raisonnement alors ?
« Il incombe à la nouvelle génération de créer l’alimentation de demain. Personnellement, je trouve cela fantastique que les jeunes développent des produits en accord total avec les tendances mondiales. Ils sont au courant des dernières évolutions du marché et avec une bonne dose de curiosité et de créativité, ils composent l’assiette de demain. Je fais en tous cas confiance à la nouvelle génération. »
Sur www.memorandumfevia.be vous trouverez toutes les recettes de l'industrie alimentaire belge pour un avenir prospère, durable et sain