Nous devons tous réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Jusqu’à présent l'industrie alimentaire belge s’est surtout concentrée sur l'efficacité énergétique, elle élargit desormais ses actions vers la réduction des émissions de CO2 via différents moyens. Comment les entreprises alimentaires peuvent-elles aujourd'hui contribuer encore plus à résoudre les défis climatiques et énergétiques ? Nous avons posé la question à deux experts. D’un côté de la table, Pascal Vermeulen, Managing Partner van CLIMACT. De l’autre côté, Tom Quintelier, notre Environmental Affairs & Energy Advisor, qui a plus de 15 ans d'expérience dans le secteur.
Bienvenue, messieurs. Dites-nous, quelle est la situation aujourd’hui ?
Pascal : « Nous vivons dans un monde où la population augmente, où les inégalités se creusent, où le réchauffement climatique devient très visible, y compris dans notre pays, le tout combiné à des tensions géopolitiques. Il est grand temps de prendre des mesures efficaces dans les différents secteurs, y compris au niveau de l'agriculture et de l'industrie alimentaire. »
Tom : « Pour lutter contre le réchauffement climatique, l'Europe veut réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 grâce au Green Deal. En tant qu'industrie alimentaire, nous y contribuons en réduisant davantage les émissions de CO2 de nos activités et de l'ensemble du système alimentaire. »
Pascal : « Ce n’est pas une tâche facile, étant donné le contexte. En outre, le secteur ne peut y parvenir seul. Il ne peut réussir que sur la base d'une collaboration, largement soutenue, entre tous les maillons de la chaîne, de l’agriculteur au consommateur. »
Quels efforts les entreprises alimentaires font-elles déjà ?
Tom : « Nos entreprises, grandes et petites, investissent depuis des années dans des mesures d'efficacité énergétique pour optimiser davantage leurs processus. Plus de 160 entreprises alimentaires participent ainsi aux accords énergétiques volontaires au niveau régional. À partir de 2023, les plus petites entreprises en Flandre devront également réaliser des audits énergétiques et prendre des mesures.
En outre, certaines entreprises alimentaires compensent leurs émissions de CO2 résiduelles en soutenant des projets à l'étranger. Mais en tant que secteur, nous voulons surtout encourager les projets locaux de compensation carbone et, à cet effet, élaborer un référentiel local avec les autorités et les autres parties prenantes. »
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Y a-t-il d’autres voies que l’on puisse emprunter ?
Pascal : « Absolument. La dernière chose à faire est de se concentrer sur un seul aspect et de choisir de mauvaises solutions. Nous devons travailler à des axes différents. Outre les mesures d'efficacité énergétique et les projets de compensation, l'introduction d'un prix pour le CO2 est également un instrument approprié. En fixant un juste prix pour les émissions de gaz à effet de serre, vous soutenez la transition. Chez Climact, nous nous méfions des mécanismes de compensation qui n'apportent ni le changement adéquat ni des réductions suffisantes et ce en utilisant un mauvais signal de prix. »
Tom : « L'introduction d'une taxe sur le CO2 est une option, à condition qu'elle ne devienne pas une taxe régionale et qu'elle soit introduite au moins au niveau européen et, de préférence, à l'échelle mondiale. La taxe doit inciter les entreprises à choisir des alternatives. Mais ces alternatives doivent bien entendu être disponibles. Vous pouvez taxer l'utilisation du gaz, mais les alternatives, c'est-à-dire l'électricité renouvelable, sont actuellement limitées. De plus, s'il y a trop d'énergie solaire ou éolienne, les techniques actuelles ne permettent pas de la stocker. La production de gaz d'hydrogène avec l'énergie « excédentaire » est une possibilité, mais elle semble plutôt limitée. Des projets sont également en cours pour les batteries, mais ils ne sont pas encore au point. »
Que peut faire le consommateur ?
Pascal : « Bien entendu, le consommateur doit apporter sa contribution. Ainsi, le consommateur peut prendre des décisions d'achat en fonction des émissions de CO2 des aliments et des boissons. Dans ce cas, Il est également important qu'une entreprise alimentaire fournisse des informations suffisantes et correctes sur le produit. Enfin, le passage à une alimentation plus végétale contribuera également à la lutte contre le réchauffement climatique. »
Tom : « Les secteurs de la viande et des produits laitiers ont également pris des mesures importantes dans le cadre de la transition protéinique. Ainsi, le secteur de la viande élargit sa gamme avec des produits hybrides ou végétaux. Et le secteur laitier travaille notamment avec le pacte sur les émissions entériques pour réduire les émissions de méthane des bovins.
Mais l'industrie alimentaire n'est pas favorable à des choix fondés uniquement sur les émissions de CO2 des produits alimentaires. Nous nous basons sur le Product Environmental Footprint européen (PEF). Cette empreinte, outre l'impact du CO2, prête aussi attention à d'autres aspects environnementaux tels que l'eau. »
Pouvons-nous facilement passer aux énergies renouvelables ?
Pascal : « Selon la science, nous devons renoncer dès maintenant à l'utilisation des combustibles fossiles si nous voulons éviter que la température sur terre n’augmente de plus de 1,5 degré Celsius. Il est grand temps d'accélérer la transition écologique par une modification des comportements, la réglementation, l'innovation, un prix pour le carbone, etc. Dans ce but, nous comptons également sur les gouvernements pour développer un cadre stable. »
Tom : « C'est vrai, imaginez que la Russie ferme le robinet du gaz en hiver. C'est un scénario réel que nous devons anticiper. Cela peut se faire en passant à des sources d'énergie alternatives avec un approvisionnement suffisant. Mais ce n'est pas si simple, car il n'existe pas aujourd'hui de véritables technologies pour aider les entreprises. Les pompes à chaleur industrielles sont une technologie à laquelle nous croyons, mais elles ne sont pas encore totalement au point. »
Pourquoi le secteur est-il convaincu par les pompes à chaleur ?
Tom : « Les pompes à chaleur existent depuis toujours, mais je parle des nouvelles versions. Les nouvelles pompes à chaleur réutilisent la chaleur résiduelle et chauffe celle-ci à 120 degrés ou plus. Celles-ci fonctionnent de préférence avec de l'électricité renouvelable. Ce qui est bien, car nous voulons passer du gaz à l'électricité renouvelable. Mais la technologie de la pompe à chaleur industrielle n'est pas encore prête pour le marché, et c'est là que le bât blesse. Nous avons besoin d'urgence de projets pilotes pour tester cette technologie prometteuse dans la pratique. En ce moment, par exemple, un projet pilote est en cours à la Raffinerie Tirlemontoise. »
Les grandes entreprises ont-elles besoin d'une approche différente de celle des PME ?
Pascal : « Je vois surtout des possibilités d’interaction. Les grandes entreprises peuvent transmettre leurs bonnes pratiques aux PME et aux plus petites entreprises. Le processus de production reste en effet le même quelle que soit la taille de l'entreprise alimentaire. Mais pour les petites entreprises, c’est surtout le manque de temps, de personnes, de vision et de ressources qui est le problème. »
Tom : « Fevia a lancé un projet pour les très petites entreprises. Sur base des expériences dans les accords volontaires, nous avons résumé les bonnes pratiques dans une liste de mesures que même les plus petites entreprises peuvent prendre. Ce sont vraiment des mesures à portée de main : pensez à l'isolation des tuyaux, à l'éclairage LED ou aux fuites d'air comprimé. »